La sacqueboute et le répertoire baroque
La Sacqueboute
C’est le nom français du trombone. Il tire son origine des deux verbes saquer (tirer) et bouter (pousser) qui décrivent le mouvement de la coulisse.
Ces instruments, fabriqués principalement à Nuremberg, avaient un tuyau étroit comme la trompette et un pavillon moins évasé qu’aujourd’hui. Construit en plusieurs tailles du soprano (rare) à la contrebasse, le ténor est incontestablement le modèle le plus répandu.
La première mention de la sacqueboute renvoit au mariage de Charles le Téméraire en 1468.
Que ce soit au sein des Alta Capella (ensembles formés de hauts instruments) pour animer cérémonies civiles, religieuses ou militaires, les ensembles de bals, les ensembles de ménestrels des cathédrales, les orchestres de théâtres et opéras, la sacqueboute a été l’un des instruments incontournables de la Renaissance et des débuts du style baroque dans l’Europe entière.
La sacqueboute a été principalement utilisée entre 1550 et 1650 en Italie du Nord, en Allemagne, en Espagne et dans une moindre mesure, en Angleterre et en France. Il connait son âge d’or à Venise au tournant des XVIe et XVIIe siécles, en même temps que son alter ego, le cornet à bouquin. Sous l’impulsion de compositeurs tels que Gabrieli, Monteverdi, Castello, Schätz, etc, la technique de la sacqueboute atteint un niveau parfois époustouflant de virtuosité; cette virtuosité est d’autant plus remarquable que les musiciens n’hésitaient pas le moins du monde, à s’approprier toute pièce qui leur semblait intéressante, transcription d’oeuvres vocales ou adaptations de pièces pour basson, cordes, cornets, etc… L’autre aspect de la virtuosité est l’art de la diminution, c’est à dire l’ornementation improvisée par l’interprète d’après les indices du compositeur (très utilisée au baroque).
Dans les opéras des débuts du XVIIe siècle, sacqueboutes et cornets se voient attribuer l’illustration des scènes infernales, maritimes, abyssales, l’accompagnement des divinités telluriques et aquatiques; ils sont dédiés aux deux éléments “matériels” la terre et l’eau, les cordes illustrant pour leur part plutôt l’immatérialité. Mais les sacqueboutes sont aussi omniprésentes dans la musique religieuse vénitienne. La sacqueboute répond à un multiple souci musical: puissance et douceur extrêmes, grande maniabilité, grande tessiture et timbre adéquat pour l’accompagnement, le soutien et la substitution des voix, justesse extrême grâce à la précision de la coulisse, grande souplesse de l’attaque du son, bien utile pour les double et triple choeurs du style vénitien.
Avec l’évolution des styles, le trombone sera de moins en moins requis en Italie. L’instrument demeurera présent et actif en Allemagne et en Autriche, principalement pour la tessiture d’alto. Il faudra ensuite attendre le style classique puis l’orchestre symphonique romantique pour le retrouver, mais dans un rôle différent, celui de l’un des “pigments” sonores de l’orchestre.
Textes de Bernard Fourtet et de Marc Honegger
Le Répertoire
A l’image du grand maître vénitien Giovanni Gabrieli, de nombreux compositeurs ont exploités le jeu de la sacqueboute , parfois jusqu’à ses limites. Les uns ont été subjugués par sa virtuosité extrème (Castello, Ortiz, Falconiero) d’autres par sa sonorité à la fois douce et timbrée (Morales, Schein) d’autres encore ont préféré mettre en valeur son expression guerrière (Scheidt, Schütz). C’est certainement Schütz qui l’employa dans sa façon la plus originale en le substituant aux voix. Pour comprendre l’importance que prit la sacqueboute au début du XVIIe siècle en Europe, il faut savoir qu’elle était reconnue, avec le cornet à bouquin, comme l’instrument le plus apte à imiter la voix. En effet, ces instruments pouvaient, comme la voix, jouer piano, forte et dans toutes sortes de tons. C’est ainsi que les plus grands compositeurs tels que Gabrieli, Monteverdi, les ont associés aux chanteurs, soit pour les soutenirs (“col la parte”) soit pour les imiter (échos) ou bien pour les remplacer. Schütz illustre parfaitement bien ce rapport à la voix dans sa Symphoniae Sacrae publiée à Venise en 1647. Scheidt et Schein firent ressortir l’aspect plus populaire de ces instruments: le premier dans un très important recueil de canzon publié à Hamburg en 1627, le second dans son oeuvre Banchetto Musicale publiée à Leipzig en 1617. Morales et Ortiz, organiste et violoniste, se sont montrés experts dans l’art des “diminutions”. Rubio a reconstitué cet art dans le motet à 5 voix Clamabant autem mulieres, dont la sacqueboute tient le rôle principal.
Textes de Jean-Pierre Canihac