Historique du trombone
Le trombone appartient à la famille des cuivres, comme la trompette, le cor, le tuba et les saxhorns. On utilise pour sa fabrication le cuivre jaune (alliage de laiton) ou le cuivre nickelé. Comme la trompette et contrairement au cor, sa perce est cylindrique, terminée par un pavillon.
Voici l’historique du Trombone par Tristan Mauguin que l’on trouve sur le site du Panam’Trombone :
De la renaissance à la fin du 20éme siècle, le trombone ne cesse d’évoluer. Toujours discret, souvent anonyme, il suit les mouvements et s’imprègne des particularités sociales ou musicales de chaque époque. Ainsi de siècles en siècles, le tromboniste s’affirme dans le milieu professionnel, et sa technique se perfectionne. Dans les années 1450, le mouvement « Renaissance » se répand dans l’Europe entière. Tous les arts tremblent sous les innovations et la recherche de nouvelles productions. Ainsi, la musique s’oriente vers des richesses mélodiques et harmoniques nouvelles. Dans cette évolution, les parcs instrumentaux doivent se renouveler ou se développer. Le trombone dans sa forme définitive (une embouchure, une coulisse, un pavillon ) apparaît à cette époque . Descendant de la trompette naturelle, il est modifié (la coulisse apparaît ) pour apporter aux cuivres un échantillon nouveau de notes chromatiques (en plus des harmoniques naturelles ). Ainsi le trombone alors nommé SACQUEBOUTE (du vieux français SACQUER et BOUTER : tirer et pousser ) peut intégrer plus activement les productions musicales de l‘époque.
Certes, certains diront que le trombone prend sa source dans l’antiquité, mais nous fixerons sa « date de naissance » sur la base de l’existence d’un instrument de cuivre à embouchure, pavillon et coulisse mobile produisant une succession de notes chromatiques sur 7 positions. Or la première illustration d’un tel instrument nous vient d’une peinture d’une église de Rome (The assumption of the Virgin de Filippino Lippi ) datant de 1490.
1450-1700
Sous l’emprise du facteur d’instruments NEUSCHEL à Nuremberg, la sacqueboute apparaît de la trompette naturelle, et passe rapidement outre les problèmes techniques (justesse des rapports et fluidité de la coulisse ) pour se développer et envahir les cours musicales. Bientôt chaque troupe possédera ses sacqueboutiers. Et dans l’Europe entière, les compositeurs l’intègrent à leurs œuvres. Instrument prestigieux et majestueux (sonorité claire, formes sculptées argentées et aurifiées ) il inspire les compositions cérémonielles et religieuses. G.GABRIELI (Italie ) et S.SCHEIDT (Hollande ) le joignent aux cornets à bouquin pour de grandes sonneries en chœurs (le plus célèbre est une de GABRIELI dans laquelle évoluaient 3 chœurs de 4 sacqueboutes ). SCHÛTZ (Hollande ) inspiré par le chant, remarque que les polyphonies lentes s’appliquent extraordinairement aux sonorités riches des sacqueboutes. Et même plus tard, ce nouvel instrument intégre l’orchestre : l’Orféo de MONTEVERDI (1604 ) et le Te Deum de LULLY utilisent les sons graves et puissants pour évoquer les enfers.
Le sacqueboutier devient alors musicien de cour à part entière. Son niveau de vie dépendant de ses qualités de musicien, il développe sa technique instrumentale pour inciter les compositeurs à écrire avec lui. Ainsi la sacqueboute devait pouvoir se fondre dans les sonorités des violes ou du clavecin : le son était petit (le pavillon étroit et directionnel n’était qu’un prolongement de la coulisse ) le jeu très léger et très articulé (peu d’air dans l’instrument, une embouchure étroite et peu profonde soulignait le travail de la langue ) et la technique de coulisse pleine de dextérité (de même que pour le cornet à bouquin ou la flûte, le sacqueboutier maîtrisait les ornementations). Dans un esprit complémentaire, le pupitre d’orchestre se divise en 3 voix : la sacqueboute alto (en ré), la sacqueboute ténor (en la) et la sacqueboute basse (en mi ou en ré). Ainsi, de la musique religieuse (évocation des enfers, doublure des voix de chœur ) à la musique cérémonielle (les fanfares épiques), la sacqueboute a su séduire la musique de la Renaissance puis Baroque.
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1700-1800
Durant ce siècle, le développement de l’instrument est plus humble. En effet, soit par manque de musiciens compétents pour inspirer l’écriture, soit par désintérêt des compositeurs, les œuvres avec sacqueboute sont plus rare.
Seules les cours de Vienne et Salzburg entretiennent encore leur pupitre de sacqueboutes. Mais le rôle de l’instrument en orchestre change : il devient soliste (surtout l’alto ) ; il n’est pas rare de voir des œuvres religieuses avec solo de sacqueboute (2 sacqueboutes –alto et tenor – solo dans le Requiem de REUTER –1709.1772-, 1 sacqueboute tenor dans le Tuba Mirum du Requiem de MOZART ).
La technique instrumentale, plus à découvert, s’adapte donc (toujours sous l’influence de la famille NEUSCHEL) ; le pavillon s’évase, il devient moins directionnel : le son s’élargi tout en restant très articulé et donne naissance au trombone. L’épanouissement sonore de l’instrument suscite même la composition d’œuvres pour trombone solo : Léopold MOZART (1719.1787), Georg WAGENSEIL (1715.1747), et Georg ALBRECHTBERGER (1736.1809) composent des concertos pour trombone alto. Et dans l’orchestre, la présence des trombones s’affirme : MOZART les emploie dans ses opéras (Don Giovanni, la flûte enchantée ), BEETHOVEN dans ses symphonies (la Pastorale et surtout la 9ème ) et HAYDN (pour sa Création ).
Période creuse pour certains, le 18ème siècle reste certainement très fructueux pour le répertoire soliste du trombone.
1800-1850
Ce début de 19ème siècle n’est que l’aboutissement du précédent : le trombone ne parvient plus à s’affirmer autant que les bois ou les cordes dans les symphonies. Bien sur toujours très utilisé, son rôle devient très précis dans l’orchestre. Les soli disparaissent au profit de tutti de pupitre. L’emploi des trombones est alors dans le but de créer des effets sonores harmoniques encore renforcés par un développement du son des instruments (élargissement des pavillons, l’embouchure plus profonde apporte la rondeur des timbres, WAGNER emploi même le trombone contrebasse ). Ainsi BERLIOZ offre-t-il une part importante au trombone dans son « Te Deum » (1840-ils sont répartis en fanfares aux quatre coins cardinaux de l’église pour produire un effet spatial impressionnant ) ou dans sa « Symphonie Fantastique » (ou ils imagent la marche au supplice ).
Seulement le trombone fuit peu à peu cette musique fastueuse (grands orchestres, grands effets grande salles ) que privilégie la bourgeoisie…Les pupitres voient peu à peu disparaître les trombones altos et basse au profit de 3 ténors plus homogènes (intonations et sons identiques ).Sous l’influence des facteurs parisiens COURTOIS et COUESNON, le trombone s’installe même dans de nouvelles tonalités (mi b pour l’alto, fa pour le basse et surtout si b au ténor ), plus douces à l’oreille et plus faciles d’intonation. Le trombone se popularise. Un concerto est composé par DAVID (1810.1873) pour trombone ténor, puis un autre « Morceau Symphonique » par GUILMANT (1873.1911) : leur style est marqué, allant, rigoureux… Le trombone s’oriente vers une musique plus proche du tout un chacun, des basses classes sociales où il va séduire une société ouvrière en pleine croissance.
1850-1900
C’est l’époque où se développent de nouveaux genres de musique et de nouveaux orchestres : les ensembles militaires, les harmonies et autres fanfares fleurissent autour des nouvelles villes industrielles. A ce moment, le trombone doit son départ à tous ces musiciens amateurs qui aimèrent se divertir à le jouer.
Certes, les qualités techniques patissent du manque de finesse de ces musiques (le détaché dur et le manque d’air produisent des sons si agressifs que l’on demande au tromboniste de jouer vers le sol pour l’atténuer ! …), mais l’instrument maintenant plus populaire stimule les fabricants qui essayent toutes sortes de modifications techniques (des pistons à la place de la coulisse…) et inspire les compositeurs (notamment RIMSKY-KORSAKOV qui compose un concerto pour trombone et harmonie ). Cette fin de siècle marque ainsi le début de l’éclectisme musical dans lequel va évoluer dorénavant le tromboniste. En effet, alors que FRANCK et St SAENS le valorisent dans la Symphonie en ré m et la 3ème symphonie en ut pour orgue (1888 et 1889 ), les amateurs affirment la présence du trombone dans les musiques de kiosque (marches, chansons ) ou de danse (polkas, valses…).
1900-1960
Ces années 1900 furent pour les trombonistes une source immense d’inspiration. La musique populaire y évolue en effet presque aussi rapidement que les saisons, et le tromboniste redevenu musicien professionnel, travaillant au cachet, s’engouffre dans toutes les aventures musicales qui apparaissent. On dit que le glissando viendrait de l’époque où les trombonistes assis sur les camionnettes accompagnant les parades aux Etats-Unis, remontaient la coulisse en jouant pour éviter les piliers de ponts…Ceci paraît futile, mais une chose est certaine, c’est que la technique trombonistique doit beaucoup au jazz et aux jazzmen.
Kid ORY se lance à la Nouvelle Orléans vers 1900 dans les premiers chorus de trombone grâce à la technique savonneuse qui consistait à chercher les bonnes notes par le glissando. Plus sérieusement, il est le 1er à créer et jouer ler sourdines : la bouteille pour le son bouché et la ventouse pour l’effet wha-wha.
Plus vers 1930, Jack TEAGARDEN (1905.1965) s’inspire des solos de L.ARMSTRONG pour donner au trombone une sonorité plus ronde, moins militaire, avec un vibrato et une dextérité de coulisse depuis longtemps oubliée. Il est le précurseur de la technique « plein air » qui rapproche le trombone de la tradition vocale.
Vers 1950 avec le « bop » et le « hard bop », des trombonistes tels Kai WINDING, JJ JOHNSON, ou « Slide » HAMPTON tentent de passer outre les limites de vitesse fixées par la coulisse. Ils travaillent sur la vélocité harmonique et sur les jeux rythmiques pour copier le phrasé du sax et ainsi figurer dignement aux côtés de Charlie PARKER dans les Jam Sessions (certains tentent aussi d’associer un piston au jeu de coulisse, mais renoncent vite face à la difficulté d’utilisation !). En France aussi dans les années 20, des trombonistes d’orchestres classiques s’essaient à la variété et au jazz et ce cumul de divers genres musicaux inspire certains compositeurs. Ainsi, nombres de partitions sont écrites au regard du jazz. L’exemple le plus connu est celui du Boléro de RAVEL dans lequel le solo de trombone est pensé d’après et pour le style de Léo VAUGHANT (des aigus très larges, faciles et flottants…) ; BERNSTEIN aussi s’inspire du jazz dans toute son œuvre et notamment dans la pièce pour trombone seul et pulsation du pied : Elegy for Mippy 2 ).
Encore un peu plus tard, le trombone classique inspire à nouveau des compositeurs tels que MILHAUD (1892.1974- « Concerto d’Hivers » ), St SAENS (1835.1921- « Cavatine » ), HINDEMITH (1895.1963- « Sonate » ), JACOB (« Concerto » ), F.MARTIN (1890.1974- « Ballade » ), TOMASI (1901.1971- « Concerto » ) qui enrichissent le répertoire soliste du trombone.
Trombone moderne
Depuis 1960 Dans une fin de siècle où le mélomane des difficultés à comprendre la musique de son époque, on assiste à l’épanouissement du trombone et à un retour à ses traditions, et le trombone réapparaît dans quasiment toutes les formes d’expression musicale :
1° :Le jazz ne cesse d’innover. Du développement de la respiration continue (Jimmy CLEVELAND vers 1960 ) au mélange des sonorités du violoncelle et du trombone (Glenn FERRIS-1995 ), le tromboniste explore les profondeurs du néoclassicisme moderne (Bill WATROUS et la multiphonie –voix et vibrations amplifiées dans le trombone.1980 ; Albert MANGELSDORFF et les chorus harmoniquement libres.1980 ).
2° : Les trombonistes viennent enrichir la chanson de variété, en soliste ou en section. Le trombone est utilisé de GAINSBOURG (black trombone ) à NOUGARO (Nougayork ) et de James BROWN à STING.
3° : La musique contemporaine développe encore le répertoire soliste : Folke RABE, Odette GARTENLAUB ou Lucianno BERIO composent « Basta », « Essai » ou « Sequenza 5 » pour trombone solo ; Pierre BOULEZ utilise le trombone (B. SLUCHIN dans ses créations de l’Ensemble Intercomtemporain.
4° : On assiste à l’émergence de trombonistes solistes de carrière (M. BECQUET, G. MILLIÈRE er B. SLOKAR depuis 1975, J. MAUGER depuis 1990 et surtout C. LINDBERG dit le Paganini du trombone depuis 1980 ) qui offrent le trombone au grand-public.
5° : La musique baroque effectue depuis 1980 un grand retour ; des sacqueboutiers professionnels (D. LASSAL, les Sacqueboutiers de Toulouse, J.J. HERBIN, S. LEGEE…) commencent même à former des élèves dans les conservatoires.
6° : Les trombones d’orchestre trouvent une puissance encore jamais égalée ; dynamisée par l’expression du volume des salles de concert et par l’apparition de nouveaux fabricants (BACH et EDWARDS aux Etats-Unis, BESSON en Angleterre, YAMAHA au Japon et toujours COURTOIS et SELMER en France ). La mécanique instrumentale recommence à évoluer. Dans les années 1960, le trombone ténor s’équipe d’une valve transpositeur sib/fa, et les coulisses s’élargissent en plus des embouchures plus profondes et des tubes moins enroulés qui augmentent la portée du son.
Aujourd’hui
Après près de 500 ans, le trombone semble avoir atteint son apogée. Il est VIRTUOSE, PUISSANT et POPULAIRE. Le « come-back » de la sacqueboute pourrait même faire penser à un bilan. Depuis le 15ème siècle, le trombone et les trombonistes furent toujours portés par les tendances musicales et les idées novatrices, ainsi la technique de jeu fut sans cesse en mutation. A l’approche du 21ème siècle, on assiste à un retour de la douceur, au phrasé chantant après des années 1970-80 plus rigides et rythmiques.
Pourtant, malgré toutes ces évolutions, seul le tromboniste a changé avec le temps, car le trombone de l’an 2000, lui, reste fondamentalement le même que la sacqueboute de 1450 : une embouchure, une coulisse de 7 positions et un pavillon……
Merci au Panam’Trombone et à Références Musicologie.org.
Hector Berlioz décrit le trombone (dans son Traité d’Orchestration) :
“Le trombone est, à mon sens, le véritable chef de cette race d’instruments à vent que j’ai qualifiés d’épiques. Il possède en effet au suprême degré la noblesse et la grandeur; il a tous les accents graves ou forts de la haute poésie musicale, depuis l’accent religieux, imposant et calme, jusqu’aux clameurs forcenées de l’orgie.”
Pour lire le texte entier sur le trombone dans le Traité d’Orchestration de Berlioz, cliquez ici : https://lesitedutrombone.fr/traite-dorchestration-de-berlioz/